Ivoine : le conte des contes

Publié le par Xavier

Je levai les yeux vers le ciel d’un bleu absolu plein de petits nuages menuisés comme des sculpture baroques tyrannisées par un vent fantasque. Une grande journée s’ouvrait vacante devant moi, avec dans le lointain  des heures, un soir dont je ne pouvais rien imaginer. Pas de devoir à faire, le cahier de vacance oublié sur la table du jardin avait subi l’averse du soir. Il avait doublé de volume et les pages seraient difficiles à décoller. Je traversai le jardin et, passant la porte branlante, me retrouvai au bord de la rivière. Contre le mur, le banc de pierre était déjà occupé par Alcide le conteur. Je le saluai et m’assis  à côté de lui. Le ciel se reflétait dans les immenses yeux figés de l’aveugle et le cours des nuages ne ralentissait pas dans ce miroir tranquille, semblant nimber les traits burinés de l’homme comme la rivière baigne ses rochers. La rivière emportée babillait vivement à nos pieds.  Les lentilles d'eau dansaient,  langoureuses ondines..........

 

- Je vais te dire ce qu’il advint ensuite. Il y eut pénurie de parchemin... Alors les conteurs revinrent !  Quatre conteurs sortirent  des bouches de l’Agartha. Ils portaient tous une couronne de laurier et  un bâton de conteur orné d’émeraudes.

Lorsqu’ils reprirent le cours des légendes, ce fut un ravissement....Tout ce qui s’était figé, gravé dans la pierre, le bois, tout ce qui avait été consigné par les scribes sur parchemins, papyrus, papiers, tout cela tomba en poussière.

 Les conteurs se répartirent le monde et visitèrent toute ville, village, hameau, aldée, contrée, finage, bourg, écart ….pas une seule chaumière où l’on n'ai entendu une histoire de la bouche d’un conteur de l’Agartha.  Mais les conteurs ne se contentaient pas de conter. Ils rassemblaient des jeunes garçons et des jeunes filles pour leur apprendre l’art des contes.

 

- Le conte est comme l’eau des fleuves, enseignaient-ils. Indispensable à la vie, insaisissable, à chaque instant  différent... Dans un conte la vérité ne se fige jamais. Ceux qui écoutent les contes n'onnt plus de motifs de se chercher querelle. Ce qui hier était merveilleusement vrai demain sera faux et après demain de nouveau vrai. 

 

Ainsi  le monde semble plus vrai que le roc mais aussi illusoire que les reves.

 

Tandis qu'Alcide contait, un avion passa au dessus éventrant le ciel dont la bourre de coton d’épancha aussitôt perturbant un moment la voûte de silence. Je me souviens de cette émotion là au bord de la rivière. 

 

Alcide reprit.

- Il était une fois une écharpe multicolore tressée avec les rires de tous les ruisseaux du monde. Chaque ruisseau abritait chacun un million d’ondines et de jeunes faunes. Chacun parlait une langue distincte, qui le colibri, qui le varech, qui le rocher. Les jeunes hommes et les jeunes femmes se baignaient nus dans l’eau des ruisseaux et apprenaient des langues d’une beauté d’arc en ciel. Les enfants qui naissaient de leirs unions parlaient toutes les langues connues de leurs pères et de leur mères et ainsi de génération en génération chacun parvenait à s'exprimer dans n’importe quel sabir : il était compris de tous. Ainsi était le pays d'Ivoine.....

 

Alcide ferma les paupières comme on ferme un livre.

Le vent du nord secoua la charmille de l’autre côté de la rive.

Publié dans récits

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R
Comment on fait pour aller au pays d'Ivoine ?
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X
<br /> on va à la page 5 de mon blog ; bises<br /> <br /> <br />